Au terme d’une nouvelle année prolifique pour la scène francophone, notamment certains artistes en développement ou plus confidentiels, revenons sur les projets incontournables délivrés en 2018.

10. Big Budha Cheez – Épicerie Coréenne

Pour introduire cette sélection, il faut aller du côté de M.City, imaginaire nocturne et luxuriant que le duo montreuillois Big Budha Cheez s’évertue à étoffer depuis 2012. Toujours plus juste et envoûtant, Épicerie Coréenne, le deuxième album et suite de L’heure des loups, entrelace mieux que jamais le story-telling de Prince Waly et la virtuosité de Fiasko Proximo. Les deux complices sont ainsi les protagonistes d’une odyssée chimérique lors de laquelle références cinématographiques côtoient une prose aussi imagée que réaliste.

9. 13 Block – Triple S

Porté fin 2017 par le trident Essaye, Somme et Vide, le quatuor sevranais 13 Block concrétise sa rencontre avec le producteur Ikaz Boi lorsque sort la mixtape Triple S, probablement le meilleur projet de trap française en 2018. L’alchimie qui lie Oldpee, Zefor, Zed et Stavo est sublimée par les créations aériennes de l’auteur de Brutal et offre les puissants Calibre, A1 A3, Vide ou encore Point d’interrogation.

8. Damso – Lithopédion

Album le moins réussi de Damso, Lithopédion n’en reste pas moins une œuvre complexe, aboutie et maîtrisée. Une maîtrise qui est peut-être son principal défaut : malgré l’écriture métaphorique de l’artistes bruxellois et les instrumentales atmosphériques, ce troisième effort manque de spontanéité, voire de brutalité, artistique. Pour autant, au-delà d’un premier tiers assez faible, plus Lithopédion s’écoule et plus les morceaux sont poignants, que ce soit 60 années, Perplexe, Tard la Night ou Noir meilleur.

7. Tengo John – Hyakutake

Quelques mois après le protéiforme Multicolore, Tengo John revient et affine sa formule avec l’astrale Hyakutake. Si le projet tire son nom d’une comète découverte en 1996, Tengo continue de mêler l’esthétique japonaise à son héritage culturel (le val-de-marnais est d’origine corse) mais aussi à son vécu. Neuf morceaux qui oscillent entre egotrip flamboyant et mélancolie ténébreuse, entre trap étincelante et mélodies languissantes. Un deuxième tour de force qui présage de beaux jours à son auteur.

6. Isha – La vie augmente, Vol.2

Encore plus introspectif et saisissant que le premier volume, LVA2 affirme le rap autobiographique d’Isha. Sa détermination artistique, ses désirs d’élévation sociale mais également ses vieux démons qui continuent de le tourmenter ou ses remords qui ne cessent de le ronger, le parolier belge n’omet rien. Épaulé de Caballero & JeanJass (Tosma), Makala (243 Mafia) et Zwanguere Guy (Caravane), Isha accentue son ipséité sans avoir fini sa rédemption.

5. SCH – JVLIVS

Après avoir expérimenté à travers les inégaux Anarchie et Deo Favente, SCH revient à son essence musicale avec le narratif JVLIVS. Accompagné du compositeur Guilty, le rappeur d’Aubagne instaure un empire sombre et sanglant pour mieux se confier et affronter son passé. Entre inspirations cinématographiques et imaginaire mafioso, SCH endosse un rôle taillé sur mesure et illumine ce troisième disque de fulgurances tant instinctives qu’incisives.

4. Myth Syzer – Bisous Mortels 

Après le lascif Bisous, Myth Syzer propose fin novembre son antithèse créative avec le sinueux Bisous mortels. Les langoureuses phases de séduction du premier laissent place au pragmatisme sentimental du deuxième. Le propos est plus cru, plus cruel, tandis que les productions sont plus lourdes et saccadées. Une ambitieuse transition qui convie les vilains Oldpee, Zefor, Zed, Ateyaba, Lino, Alkpote, Jok’air, Hamza, Leto, Take a Mic, Dimeh, Slimka et les bons gamins Ichon et Loveni.

3. Laylow – Raw-Z

Suite de l’inégal Raw, Raw-Z brille par son authenticité et sa spontanéité. Qualifié de “projet le plus abouti, le plus sincère” par le principal intéressé, cet EP laisse entrevoir les failles et les maladresses du cyborg Laylow. Le chanteur toulousain transforme, dénature sa voix pour narrer avec franchise les névroses de son métissage et ses blessures sentimentales, qu’elles soient amicales ou amoureuses. Plus qu’un simple manifeste, Raw-Z prouve que le prince de sang-mêlé est meilleur quand il arrive à se regarder dans le miroir.

2. Dinos – Imany

Résultat d’une exploration sonore intransigeante et d’un changement de label, Imany est un disque sincère, puissant, unique. Finement élaboré et agencé, ce premier album est le témoignage tranchant et émouvant d’un artiste qui est “le quartier mais pas la rue.” Dinos s’affranchit des tendances actuelles pour trouver sa propre direction et livrer un rap réaliste qui n’a pas peur du spleen autotuné ou de l’égotrip sarcastique. Un album déterminant.

1. Alpha Wann – UMLA

Finalité du triptyque Alph Lauren, Une Main Lave L’Autre, ou UMLA, reflète l’avènement rapologique d’Alpha Wann. Alors qu’il maîtrise son art comme Leo Messi ou CR7, le virtuose parisien enchaîne punchlines, assonances, allitérations et autres références diverses et variées comme les deux stars mondiales enchaînent les buts. Une justesse infaillible qui frappe, impressionne et est à l’origine d’un futur classique du rap français. “L’album est vrai, achète deux exemplaires.”

Mentions honorables à : Slimka – No Bad Vol.2, Dimeh – Focus Vol.2, Ikaz Boi – Brutal, HIM$ – Trap$tar Vol.1, Tengo John – Multicolore, Myth Syzer – Bisous, OBOY – Southside, Alpha Wann – Alph Lauren 3, Nemir – Hors-Série, Triplego – #EnattendantMachakil, Veerus – Iceberg Slim, Koba LaD – VII, Josman – J.O.$, Infinit – Ma version des faits, Dinos – Imany Deluxe.